Yellows birds, Kevin Powers - dans l'enfer irakien


"Nous étions faussement puissants".
Bartle et Murphy ont 18, 19 ans, ils se battent pour les Etats-Unis dans le nord de l'Irak, et font l'expérience terrifiante de la guerre. Des garçons - des gamins encore, qui ont à peine serré une fille dans leurs bras, qui font face comme ils peuvent, presque abandonnés à eux-mêmes. Les supérieurs eux-mêmes - le sergent Sterling, presque le Kurtz d'Au coeur des ténèbres, ou le lieutenant, même pas 25 ans - sont aussi paumés et démunis.
 Un an sur le qui-vive, une année d'épuisement, "craignant que chacun des instants ne soit décisif". La guerre semble d'autant plus absurde que toutes les actions armées sont présentées sorties de leur contexte, désincarnées, sans ennemi, mais piégeant fatalement des soldats pour lesquelles elles n'ont aucun sens et des civils démunis ("Je songeais à la guerre de mon grand-père. Au fait qu'ils avaient des destinations et des buts à l'époque").

"Tout le monde est content de te revoir, toi, l'assassin, le complice, celui qui, au minimum, porte une putain de part de responsabilité"
Et puis ils rentrent - laissant une parcelle d'eux-mêmes là-bas. Ou bien ils ne rentrent pas. Ou dans un cercueil drapé. Mais est-ce bien différent ? Kevin Powers semble dire que non, dans une construction habile qui alterne souvenirs et présent, avec sa réflexion sur l'impossibilité d'un après, entre confusion, indifférence, colère, dépit et culpabilité. Bartle est comme absent à lui-même, sa vie est suspendue. D'autant plus qu'il se reproche la mort de son ami Murphy, et qu'il souffre de ne pas l'avoir ramené vivant, comme il l'avait pourtant promis à sa mère. "Murph et moi et les mêmes fantômes nuit après nuit".

Eblouissant roman sur la guerre, la prison mentale de la mémoire et de la culpabilité, et l'impossibilité du deuil. Marquant, et un sacré talent pour un premier roman.

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